mardi 23 décembre 2014

51. CHRISTIAN BOBIN : Le christ aux coquelicots




 
Un livre  couleur coquelicot,
aussi fragile et léger que la fleur des champs
aussi beau et aussi imprévu
qu’un bouquet de taches rouges
au milieu des blés…

Une lettre d'amour adressée par l’écrivain
 à Celui qui vit en son cœur
à Celui qui échappe
à tout dogme et à toute définition…

Un recueil de mots d’amour…
de mots qui résonnent longtemps
après avoir tourné la dernière page…
Un bonheur d'écriture.
Un bonheur tout court.
.



51. CITATIONS CHOISIES


 
Je t'écris dans la lumière.
J'ai besoin de ta lumière pour écrire.
.
Maintenant, nous sommes dans l'ère des yeux vides.
Tout me blesse en dehors de ce temps que j'ouvre,
pour que tu y passes.
.
Quand je suis heureux, je sais immédiatement que c'est toi,
- Comme un nerf de cristal, que le doigt de la pluie,
des fleurs et du soleil font vibrer au maximum,
 de cette même vibration qui dit ta présence en moi.
.
Ils ont fait de toi une image,
ils ont fait de toi une Eglise.
Moi, je fais de toi un coquelicot,
l'étendard minuscule de l'éternel,
le fleurissement par surprise.
.
Quand je doute, mon coeur est plus fragile qu'une framboise,
mais quand je me fie à toi , il est plus dur qu'un diamant.
.
Le dieu auquel je crois n'est pas fort,
mais il est aussi invincible
qu'un courant d'air.
.
Tu es l'attaquant par grâce,
l'incroyable insurrection du rouge de l'esprit
dans notre coeur éteint.
.
Christian Bobin
"Le Christ aux coquelicots"
.




dimanche 7 décembre 2014

50. JACQUELINE KELEN : Divine blessure



C’est un essai rempli de contes,
 de mythes, d’histoires fabuleuses.
 Un ouvrage qui fait rêver.
Jacqueline Kelen nous lance un défi :
 nous réconcilier avec l’épreuve, la douleur
ou même la souffrance.

 Masochisme ? Certainement pas.
Selon elle, la blessure n’est pas « sanctifiante »,
 elle ne grandit pas.
Mais elle permet de s’ouvrir à l’autre
et même à ce que l’auteur appelle le « tout autre ».

« Plus un être découvre sa dimension spirituelle, écrit-elle,
 plus sa sensibilité s’accroît et s’affine.
Sa vulnérabilité atteste de la délicatesse de son âme. »

 Lire ce texte à contre-courant,
c’est apprendre que la fragilité n’est pas le contraire de la force,
mais de l’insensibilité,
et retrouver ainsi la part perdue de notre humanité.

C’est un livre d’éveil, qui secoue nos habitudes et dérange.
Il nous redonne le goût de l’aventure, du risque,
 de l’ouverture à ce qui advient.
Il nous enseigne à ne plus avoir peur de nos peurs.
Inspiré et subtil, il élève l’âme et ouvre le cœur.
.
Texte ici
.


Guérir, se sentir « bien dans sa peau »,
 refermer toutes nos failles et se débarrasser de tous nos maux
 pour accéder au but suprême de la quiétude et du bonheur,
 telles sont les obsessions du jour.
Nous vivons désormais sous le règne d'une idéologie thérapeutique,
régressive et consumériste, qui nous infantilise
en cherchant à nous détourner de tout risque.

 Jacqueline Kelen combat cette tyrannie du confort,
qui voudrait faire l'impasse sur la vocation spirituelle de l'humain.
Spécialiste des mythes, elle convoque ici ces héros,
 dieux et saints qui nous rappellent, par leurs blessures et leurs épreuves,
que l'homme n'accède pas à sa plénitude dans la facilité :
Achille et Ulysse, Lancelot et Tristan, Osiris dépecé et le Christ crucifié,
 tous nous disent,
ainsi que le Jacob de la Bible ou les mystiques chrétiens et soufis,
que la déchirure est aussi ouverture.

Il n'est pas de blessure qui ne renvoie
à la blessure d'Amour.
.




50. CITATIONS CHOISIES

La plupart des blessures reçues par les mortels
tendent à faire émerger ceux-ci de leur moi étriqué et orgueilleux
 auquel ils sont violemment attachés 
et elles les invitent à regarder plus loin : 
c'est l'histoire d'Admète, de Philoctète, de Guigemar, 
entre autres.
(...)
L'homme n'a pas d'autre choix que de s'étioler ou de s'étoiler.
(...)
L'erreur est de croire que le monde est clos
 alors que ce sont nos perceptions, nos propres limites
 qui nous empêchent de discerner
 toutes les autres sphères de l'invisible.

Parfois, sous le coup d'une douleur, 
par la grâce d'un émerveillement,
 une échancrure se produit qui déchire notre opacité 
et permet d'aller voir de l'autre côté :
une brèche par laquelle la Lumière peut nous toucher.
.
Jacqueline Kelen

dimanche 16 novembre 2014

49. ALEXANDRO JODOROWSKY : La danse de la réalité

.


« M'étant séparé de mon moi illusoire, 
j'ai cherché désespérément un sentier et un sens pour la vie. »

Cette phrase définit parfaitement 
le projet biographique d'Alexandro Jodorowsky :
 restituer l'incroyable aventure et quête que fut sa vie. 
Né au Chili en 1929, 
c'est en effet un homme et un artiste aux mille facettes.

Chantre de l'expansion de conscience, poète, romancier, 
comédien, fondateur du « théâtre panique » avec Arrabal,
 réalisateur notamment de films cultes
 tels que El Topo et La Montagne sacrée, 
scénariste de célèbres bandes dessinées comme L'Incal, 
Jodorowsky a aussi élaboré deux techniques thérapeutiques : 
la psychomagie, 
qui renvoie les faits quotidiens à des modèles mythiques, 
et la psychogénéalogie,
 qui agit sur les héritages psychologiques familiaux.

Il brosse ici la fresque d'une existence qui exalte,
 au-delà de toute mesure, les potentialités de l'être
 dans le but de repousser les limites de l'imaginaire et de la raison,
 et d'éveiller le capital de transformation et de vie
 qui se trouve en chacun de nous.


49. CITATIONS CHOISIES

Je voudrais, pour terminer ce livre, revenir à ma jeunesse
 et à nouveau être assis sur la branche d'un arbre
 à côté de mon ami poète, pour,
 comme en cette occasion inoubliable, déduire,
de tout ce que nous ne savons pas,
 le magnifique et peu que nous savons :

Je ne sais où je vais, mais je sais avec qui je vais...
Je ne sais où je suis, mais je sais que je suis en moi.
Je ne sais ce qu'est Dieu , mais Dieu sait ce que je suis.
Je ne sais ce qu'est le monde, mais je sais qu'il est mien.
Je ne sais ce que je vaux, mais je sais ne pas me comparer.
Je ne sais ce qu'est l'amour, mais je sais que je jouis de ton existence.
Je ne peux éviter les coups, mais je sais comment les supporter.

Je ne peux nier la violence, mais je peux nier la cruauté.
Je ne peux changer le monde, mais je peux me changer moi-même.
Je ne sais ce que je fais, mais je sais que ce que je fais me fait.
Je ne sais qui je suis, mais je sais que je ne suis pas celui qui ne sait pas.
.
Alexandro Jodorowsky
"La danse de la réalité"
.

lundi 27 octobre 2014

48. ANNE DELBEE : Une femme



Ce livre retrace la vie tumultueuse et tragique
de Camille Claudel,
la soeur du célèbre écrivain.

A la fin du dix-neuvième siècle,
se lancer dans une carrière de sculpteur
 est inconcevable, voire scandaleux.
Mais la jeune fille se lance à corps perdu dans l'aventure...
En 1883, elle rencontre Auguste Rodin
qui accepte de la prendre comme élève.
Suivent quinze années d'une liaison passionnée et orageuse
d'où Camille sortira épuisée, vaincue...

Malgré un immense talent et une oeuvre considérable,
elle ne parviendra pas à sortir de l'ombre du "Maître"
et sombrera dans la folie...
Sa mère, qui l'a toujours détestée,
finira par la faire interner à l'asile de Montdevergues.
Elle y mourra trente ans plus tard...
.
Un livre magnifique et poignant...
passionnant d'un bout à l'autre.

A lire absolument pour comprendre
à quel point il est difficile, quand on est femme,
d'être reconnue pour son talent créateur...





 

48. CITATIONS CHOISIES

"Instruite par un tel maître,
 vivant dans l'intellectuelle intimité d'un tel frère,
 il n'est point étonnant que Mlle Camille Claudel qui est bien de sa famille,
 nous apporte des oeuvres qui dépassent par l'invention
et la puissance d'exécution tout ce qu'on peut attendre d'une femme.

L'année dernière, elle exposait le buste de Rodin :
 une merveille d'interprétation puissante, de libre verve, de grande allure.
 Cette année, elle montre deux compositions étranges, passionnantes,
 si neuves d'invention, si émouvantes dans leur arrangement décoratif,
 d'une poésie si profonde et d'une pensée si mâle, 
que l'on s'arrête surpris par cette beauté d'art qui nous vient d'une femme : 
j'aime à me répéter à moi-même cet étonnement.

"La valse et Clotho, ainsi se nomment ces oeuvres...
Mlle Claudel s'est hardiment attaquée
 à ce qui est peut-être le plus difficile à rendre par la statuaire : 
un mouvement de danse. 
Pour que cela ne devienne pas grossier,
 pour que cela ne reste pas figé dans la pierre, il faut un art infini, 
Mlle Claudel a possédé cet art..."

Elle lit avidement la description qu'il fait des deux statues.
 Il a compris, il a vu.

"Enlacés l'un à l'autre. Mais où vont-ils,
 éperdus dans l'ivresse de leur âme et de leur chair
si étroitement jointes ?
 Est-ce à l'amour, est-ce à la mort ?
 Les chairs sont jeunes, elles palpitent de vie, 
mais la draperie qui les entoure, qui les suit, 
qui tournoie avec eux bat comme un suaire. 
Je ne sais pas où ils vont, si c'est à l'amour, si c'est à la mort,
 mais ce que je sais,
c'est que se lève de ce groupe une tristesse poignante,
 si poignante qu'elle ne peut venir que de la mort,
 ou peut-être de l'amour plus triste encore que la mort.
"Qui sait ? Un peu de son âme, un peu de son coeur
 l'ont miraculeusement inspirée..."

Il la regarde, un peu de joie s'est répandue sur ce visage tragique.

"Mlle Claudel, une des plus intéressantes artistes de ce temps. 
Auguste Rodin peut être fier de son élève, l'auteur de Tête d'or de sa soeur.
Mlle Claudel est bien de la race de l'un et de la famille de l'autre."

Elle le remercie mais il sent quelque chose de forcé. 
Elle a les larmes aux yeux.
L'aurait-il froissée ?

"Vous savez, ce n'est pas par amitié.
 Geffroy est de mon avis, Lucien Bourdeau aussi. 
Hier encore, nous en parlions."

Comment lui expliquer qu'elle en a assez 
d'être l'élève de l'un et la soeur de l'autre ?
L'étau...
D'ailleurs ni l'un ni l'autre ne sont là.
 Elle est sculpteur, c'est tout.
 Camille Claudel.
Sculpteur. 
Une femme.
 Point.
.
.

mercredi 8 octobre 2014

47. EUGEN DREWERMANN : Le testament d'un hérétique

Titre original :
"Der Spiegel des Unendlichen"
("Le miroir de l'infini")


Eugen Drewermann, dans ce livre,
reconstitue l'histoire d'un homme
qui est devenu un symbole de la liberté spirituelle.

Pour avoir compris très tôt le radical bouleversement de la pensée
qu'impliquaient les découvertes de Copernic,
pour être allé encore plus loin en imaginant
un univers infini et une pluralité de mondes,
et surtout pour avoir défendu envers et contre tous
sa liberté de conscience, 
Giordano Bruno fut victime
des tortionnaires de l'Inquisition,
condamné au bûcher et  brûlé vif
le 17 février 1600 à Rome.

L'auteur nous livre ici
les confessions imaginaires de cet hérétique génial
et nous fait vivre ses dernières semaines de prison.

A travers ces mémoires apocryphes, 
il nous fait plonger dans les grandes controverses du XVIe siècle
 - où se joue tout l'avenir de la pensée occidentale -
 dans l'horreur des procès d'Inquisition 
et dans l'univers visionnaire d'un homme hors du commun. 

Un livre passionnant, intelligent, émouvant, vivant et,
c'est ce qui est le plus étonnant,
d'une incroyable "modernité"...
.


47. CITATIONS CHOISIES

" Je crois en un univers infini,
 Création de la toute-puissance infinie,
 car il serait indigne de la bonté et de la puissance divines,
si elle peut créer une pluralité de mondes,
qu'elle n'ait créé qu'un monde fini.

C'est pourquoi j'ai toujours affirmé qu'il existe
une pluralité d'autres mondes semblables à cette terre,
que je tiens avec Pythagore pour une étoile,
au même titre que les innombrables autres planètes et astres.
Cette pluralité de mondes forme un tout infini dans l'espace infini,
 qui se nomme lui-même l'univers infini,
de sorte qu'on doit supposer une double infinité,
selon la grandeur de l'univers et selon le nombre des corps célestes."

.

"La révélation ?
Dieu n'a nullement besoin de vous pour parler aux hommes.
Quand il veut parler aux fleurs, il fait briller le soleil ;
quand il veut parler aux nuages, il fait souffler les vents.

Dieu s'adresse à chaque chose dans son propre langage.
Tout ce qui est propre à l'essence d'un être humain, d'une fleur,
d'un ver de terre ou d'un nuage parle du Dieu qui les a créés.

Dieu s'exprime en poussant toute chose
vers la forme la plus intense de son existence.

Comprenez-moi bien, Dieu ne s'est jamais révélé :
 il se révèle partout et toujours ; 
l'ensemble de sa Création est son unique révélation,
 qui demeure de toute éternité, comme l'Eternel lui-même.

Mais tout ce qui empêche l'être humain
ou n'importe quel autre élément de la Création,
de vivre selon son essence, obscurcit la révélation divine..."
.

Dieu agit toujours de l'intérieur.
(...)
Lorsque Dieu agit, c'est lui-même qu'il modèle,
puisqu'il est l'âme de toute chose.
Vous ne pouvez dicter à une rose comment elle doit fleurir;
elle le sait de l'intérieur ;
le vent et la pluie sont les seules conditions
de la beauté de son développement,
vous n'avez pas besoin de lui dire ce qu'elle doit faire.
(...)
Pourquoi donc prétendez-vous ordonner de l'extérieur la vie humaine,
et tout ce qui se trouve sur la terre et dans le ciel ?
.

Chacun d'entre nous doit vivre le destin
pour lequel il a été créé,
il doit suivre la loi de son être,
celle qui est au creux de lui tel un démon ou une fée,
et qui guide tous ses pas.

.
Eugen Drewermann

.

mercredi 27 août 2014

46. LEON TOLSTOÏ : Le royaume des cieux est en vous


(...) en Novembre 1910, disparaissait Tolstoï,
 l’un des plus grands écrivains que la vie nous ait offert.
Tolstoï est avant tout connu pour son œuvre romanesque magistrale :

 Sa fresque des guerres napoléoniennes dans Guerre et Paix,
son expérience de laboratoire (telle qu’il la nommait)
pour décrire la vie contemporaine avec Anna Karénine.
 Puis "Maitres et serviteurs" qui peint encore une époque
où le servage est en cours d’abolition ;
enfin le magnifique roman sur la précarité de la vie "La Mort d’Ivan Illitch"
 où après les affres de la crainte de la Mort et l’attachement cupide aux biens matériels,
le riche protagoniste finit par trouver la libération
dans un ultime retournement de conscience :
 l’amour du prochain et l’oubli de soi-même.

Comme nombre de grands écrivains Tolstoï a été un grand mystique.
Après avoir acquis une immense notoriété en Russie,
il traverse une grave crise existentielle.
La vie lui apparaît comme absurde :
«Si je désirais quelque chose, je savais d’avance que,
que mon désir fut satisfait ou non, il n’en sortirait rien…
 Même connaître la vérité, je ne pouvais le désirer ;
parce que je devinais en quoi elle consistait.
La vérité c’était que la vie était une absurdité…
On ne peut vivre que tant qu’on est enivré par la vie ;
dès qu’on dessoûle, on ne peut pas ne pas voir
que tout cela n’est qu’une tromperie, une sotte tromperie !"
 (Confession, 1882).
 Tolstoï est dans cette période de crise, à l’instar de Lévine,
son double dans Anna Karénine, proche du suicide.

Il cherche désespérément à trouver un sens à sa vie,
 se remet à la lecture des évangiles.
L’étude et la lecture le conduisent à critiquer fortement l’église orthodoxe
 ainsi que toutes les formes de pouvoirs pouvant justifier et s’approprier
 le monopole de la violence réelle et symbolique.

Pour Tolstoï, le véritable christianisme a été dénaturé
 par les diverses églises et doit être redécouvert.
 Dans son essai "Quelle est ma foi ?"
 (renommé  "Le Royaume des Cieux est en Vous"),
 il critique férocement la tentative de synthèse de l’Eglise
entre Ancien Testament et Nouveau Testament.
 En effet, le Dieu de l’Ancien Testament apparaît
 comme vengeur et autoritaire, justifiant la Loi du Talion,
alors que le Dieu fait homme, incarné, du Nouveau Testament,
 est amour inconditionnel et pardon.
Pour Tolstoï, le Christ est par son enseignement
le premier à pouvoir casser la spirale de la violence
en opposant au mal, l’amour inconditionnel et le pardon.

En 1890, en jeune étudiant en droit nommé Gandhi entend parler de Tolstoï.
 Il lit l’Essai « Le Royaume de Dieu est en vous ».
Gandhi confie que ce livre l’a bouleversé.
 A l’époque, victime du racisme envers les Indiens en Afrique du Sud
(où il officie comme avocat),
 il est tenté par l’adhésion à des mouvements violents pour réagir à l’injustice.

 La lecture de Tolstoï le convainc que cette voie est destructrice et sans issue.
En 1909, les deux hommes entament une correspondance
et Gandhi souhaite que Tolstoï, devenu son père spirituel,
le soutienne dans l’organisation de son mouvement de résistance non-violente
dans la région Sud-Africaine du Transvaal.

 Peu de temps avant de disparaitre, Tolstoï affirme publiquement
 que le travail de Gandhi est "le plus fondamental et le plus important du temps présent".
 Ce que Tolstoï grand écrivain et penseur du XIXeme siècle n’avait pu faire,
évitant la vie politique, Gandhi le mettra en œuvre concrètement en Inde
 appliquant les idées de son Maître à penser.

Les deux contribueront ainsi à changer le monde
et l’idée fondamentale de la non-violence christique
 relayée par Tolstoï et appliquée avec détermination par Gandhi
conduira à la libération du joug autoritaire des colons anglais
et à la naissance de la plus grande démocratie pacifiste mondiale.

Tolstoï nous offre avec "Le Royaume des Cieux est en vous" une lecture salvatrice
 au même titre que l'étonnant ouvrage "Les Portes de la perception" de Aldous Huxley,
cet autre héros de la littérature qui nous offre sa vision mystique
 et son interprétation personnelle des messages
des plus grands sages de tous les temps dont celui du Christ.
.
Texte de Pale-Rider 75
Voir ICI
.

P-S : Ce livre, très longtemps censuré,
vient seulement d'être réédité...
cent ans après la mort de l'auteur
(en 2010)
.

46. CITATIONS CHOISIES


Le temps vient où toutes les institutions basées sur la violence
 disparaîtront par suite de leur inutilité, de leur stupidité,
 et même de leur inconvenance évidente.
Ce temps sera venu quand il arrivera aux hommes de notre société
qui occupent des situations créées par la violence,
ce qui est arrivé au roi, dans le conte d'Andersen intitulé "les habits neufs du roi",
 lorsque l'enfant, ayant aperçu le roi nu a crié naïvement "regardez, il est nu !".
Alors tous ceux qui le voyaient aussi, mais ne le disaient pas,
n'ont pas pu ne pas le reconnaître.

La même chose doit arriver pour tous ceux qui occupent par inertie
des situations devenues depuis longtemps inutiles,
 au premier qui s'exclamera naïvement :
 "mais il y a longtemps que ces hommes ne sont bons à rien !".
La situation de l'humanité chrétienne, avec ses forteresses, ses canons,
sa dynamite, ses fusils, ses torpilles, ses prisons, ses gibets,
ses Eglises, ses fabriques, ses douanes, ses palais, est réellement terrible;
mais ni les forteresses, ni les canons, ni les fusils ne tirent d'eux-mêmes,
les prisons n'enferment personne d'elles-mêmes, les gibets ne pendent pas,
les Eglises ne trompent personne toutes seules, les douanes n'arrêtent pas,
les palais et les fabriques ne se construisent pas d'eux-mêmes.
Tout cela est fait par des hommes.
Et, lorsque les hommes comprendront qu'il ne faut pas le faire,
tout cela n'existera plus;

Et ils commencent déjà à le comprendre
 Si ce n'est tout le monde, du moins les hommes de l'avant-garde,
ceux qui seront suivis par tous les autres.
Et cesser de comprendre ce qu'on a compris une fois est impossible,
et ce qu'ont compris les hommes de l'avant-garde,
les autres aussi peuvent et doivent le comprendre.
De sorte que le temps prédit où tous les hommes seront instruits par Dieu,
désapprendront la guerre, transformeront les glaives en socs de charrues
 et les lances en faucilles, où, en traduisant en notre langue,
les prisons, les forteresses, les casernes, les palais, les églises demeureront vides,
et les gibets, les fusils, les canons sans emploi,
n'est plus une utopie, mais une nouvelle forme de la vie
vers laquelle s'avance l'humanité
avec une rapidité de plus en plus grande.
.
¨Léon Tolstoï
.

lundi 21 juillet 2014

45. ELIF SHAFAK : Soufi, mon amour



J'avais entendu parler de ce livre...à plusieurs reprises
mais j'ai longuement repoussé le moment de le lire.
Ne faites pas comme moi : précipitez-vous,
c'est vraiment une "perle" !
.
Deux récits en un,
 puisque l'on y suit deux histoires parallèles,
qui se répondent "en miroir" :
celle d'une rencontre contemporaine
(entre une femme de 40 ans et un auteur inconnu)
et celle, au 13ème siècle,
de Rûmi, le grand poète et mystique,
et de Shams de Tabriz, son "alter ego".
.
Je ne vous en dirai pas plus sur l'intrigue,
car ce serait sans doute un peu long,
mais ce que je peux vous dire,
c'est que c'est vraiment un livre qui vous "happe"
et vous tient en haleine...
tout en parlant merveilleusement bien
de la "magie" de l'amour,
et de la façon dont il "change" totalement la vie
de ceux qui osent s'ouvrir à lui.
.
En outre, les quarante "règles de sagesse"
qui ponctuent le livre
sont de petites "merveilles"
à méditer longuement...
.

.
Bref, une excellente lecture pour l'été,
qui comble à la fois le coeur...et l'esprit !
.

45. CITATIONS CHOISIES

Les quarante règles de l'amour (début) :

1- La manière dont tu vois Dieu est le reflet direct de celle dont tu te vois.
 Si Dieu fait venir surtout de la peur et des reproches à l'esprit,
 cela signifie qu'il y a trop de peur et de culpabilité en nous.
 Si nous voyons Dieu plein d'amour et de compassion,
 c'est ainsi que nous sommes.

2- La voie de la vérité est un travail de cœur, pas de la tête.
 Faites de votre cœur votre principal guide !
 Pas votre esprit.
 Affrontez, défiez et dépassez votre nafs avec votre cœur.
Connaitre votre ego vous conduira à la connaissance de Dieu.

3- Chaque lecteur comprend le Saint Coran à un niveau différent,
parallèle à la profondeur de sa compréhension.
Il y a quatre niveaux de discernement.
Le premier est la signification apparente,
et c'est celle dont la majorité des gens se contentent.
Ensuite, c'est le batin le niveau intérieur.
Le troisième niveau est l'intérieur de l'intérieur.
Le quatrième est si profond qu'on ne peut le mettre en mots.
Il est donc condamné à rester indescriptible.

4- Tu peux étudier Dieu à travers toute chose
et toute personne dans l'univers
parce que Dieu n'est pas confiné dans une mosquée,
une synagogue ou une église.
Mais si tu as encore besoin de savoir précisément où Il réside,
 il n'y a qu'une place ou Le chercher :
dans le cœur d'un amoureux sincère.

5- L'intellect relie les gens par des nœuds et ne risque rien,
mais l'amour dissout tous les enchevêtrements et risque tout.
 L'intellect est toujours précautionneux et conseille : 
" Méfie-toi de trop d'extase ! "
 Alors que l'amour dit : "Oh, peu importe ! Plonge!"

6- La plupart des problèmes du monde viennent
d'erreurs linguistiques et de simples incompréhensions.
Ne prenez jamais les mots dans leur sens premier.
 Quand vous entrez dans la zone de l'amour,
le langage tel que nous le connaissons devient obsolète. 
Ce qui ne peut être dit avec des mots
ne peut être compris qu'à travers le silence.

7- L'esseulement et la solitude sont deux choses différentes.
Quand on est esseulé, il est facile de croire qu'on est sur la bonne voie.
La solitude est meilleure pour nous,
car elle signifie être seul sans se sentir esseulé.
Mais en fin de compte, le mieux est de trouver une personne,
 la personne qui sera votre miroir.
N'oubliez pas que ce n'est que dans le cœur d'une autre personne
qu'on peut réellement se trouver et trouver la présence de Dieu en soi.

8- Quoi qu'il arrive dans la vie, si troublant que tout te semble,
n'entre pas dans les faubourgs du désespoir.
Même quand toutes les portes restent fermées, 
Dieu t'ouvrira une nouvelle voie.
Sois reconnaissant ! 
Il est facile d'être reconnaissant quand tout va bien.
Un Soufi est reconnaissant non pas pour ce qu'on lui a donné,
mais aussi pour ce qu'on lui a refusé.

9- La patience, ce n'est endurer passivement.
C'est voir assez loin pour avoir confiance
en l'aboutissement d'un processus.
L'impatience signifie une courte vue, 
qui ne permet pas d'envisager l'issue.
 Ceux qui aiment Dieu n'épuisent jamais leur patience,
 car ils savent qu'il faut du temps
 pour que le croissant de lune devienne une lune pleine.

10 - Est, Ouest, Sud, ou Nord, il n’y a pas de différence. 
Peu importe votre destination assurez-vous seulement
de faire de chaque voyage un voyage intérieur.
Si vous voyagez intérieurement,
vous parcourez le monde entier et au-delà.

11 – Les sages-femmes savent que lorsqu’il n’y a pas de douleur,
 la voie ne peut être ouverte pour le bébé
 et la mère ne peut donner naissance .
De même pour qu’un nouveau Soi naisse, les difficultés sont nécessaires.
Comme l’argile doit subir une chaleur intense pour durcir, 
l’amour ne peut être perfectionné que dans la douleur.

12 – La quête de l’Amour nous change. 
Tous ceux qui sont partis à la recherche de l’Amour ont mûri en chemin.
 Dès l’instant ou vous commencez à chercher l’Amour, 
vous commencez à changer intérieurement et extérieurement.

13 – Il y a plus de faux gourous et de faux maîtres
dans ce monde que d’étoiles dans l’univers. 
Ne confonds pas les gens animés par un désir de pouvoir
et égocentriste avec les vrais mentors. 
Un maitre spirituel authentique n’attirera pas l’attention sur lui ou sur elle,
 et n’attendra de toi ni obéissance absolue ni admiration inconditionnelle, 
mais t’aidera à apprécier et à admirer ton moi intérieur. 
Les vrais mentors sont aussi transparents que le verre. 
Ils laissent la Lumière de Dieu les traverser.

14 – Ne tente pas de résister aux changements qui s’imposent à toi. 
Au contraire, laisse la vie continuer en toi. 
Et ne t’inquiète pas que ta vie soit sens dessus dessous. 
Comment sais –tu que le sens auquel tu es habitué est meilleur que celui à venir ?

15 – Dieu s’occupe d’achever ton travail, intérieurement et extérieurement. 
Il est entièrement absorbé par toi.
 Chaque être humain est une œuvre en devenir qui, 
lentement mais inexorablement, 
progresse vers la perfection. 
Chacun de nous est une œuvre d’art incomplète 
qui s’efforce de s’achever.
.
Elif Shafak
.

mardi 8 juillet 2014

44. SAINT-EXUPERY : Citadelle


Citadelle
n’est pas une œuvre achevée.

 Dans la pensée de l’auteur,
 elle devait être élaguée et remaniée
 selon un plan rigoureux qui, dans l’état actuel, 
se reconstitue difficilement.

L’auteur a souvent repris les mêmes thèmes,
 soit pour les exprimer avec plus de précision, 
soit pour les éclairer d’une de ses images
 dont il a le secret.”,
 nous dit 
Simone de Saint Exupéry
.
Ce "remaniement" n'a pu se faire...
puisque Saint-Exupéry est mort prématurément,
et que l'oeuvre fut publiée à titre posthume...en 1948.

Alors oui, disons-le, 
le livre est long, dense et un peu indigeste...
par son côté répétitif et son style moralisateur,
 presque "biblique", bien éloigné
de la "légéreté enfantine" du Petit Prince.

Néanmoins et malgré tout cela,
c'est un livre qui m'a marquée...durablement
car on y trouve des pensées extrêmement profondes,
 et des "perles" de toute beauté...
qui récompensent largement 
le lecteur "courageux"...
qui ne se sera pas arrêté au premier chapitre !
Le livre est aride...
mais c'est un chef d'oeuvre...
.
Je vous conseille de le déguster
"à petites gorgées"... :-)
.


lundi 7 juillet 2014

44. CITATIONS CHOISIES


Si tu diffères de moi, mon frère, loin de me léser, tu m’enrichis.
.
L’ordre pour l’ordre est la caricature de la vie.
.
Pour créer l'ordre, je crée un visage à aimer.
.
La vertu, c’est la perfection dans l’état d’homme
et non l’absence de défauts.
.
Une civilisation repose sur ce qui est exigé des hommes,
 non sur ce qui leur est fourni.
.
Si tu veux qu'ils soient  frères, oblige-les de bâtir une tour.
Mais si tu veux qu'ils se haïssent, jette-leur du grain.
.
De l'homme, je ne demande pas quelle est la valeur de ses lois,
mais bien quel est son pouvoir créateur.
.
Si tu veux construire un bateau,
 ne rassemble pas tes hommes et femmes
pour leur donner des ordres,
pour expliquer chaque détail,
 pour leur dire où trouver chaque chose...
Si tu veux construire un bateau,
 fais naître dans le cœur de tes hommes et femmes
 le désir de la mer.
.
Appelles-tu liberté le droit d’errer dans le vide ?
 C’est plutôt un renoncement à notre vocation d’homme.

Seule la direction a un sens.
 Ce qui importe c’est d’aller vers et non d’être arrivé
 car jamais l’on n’arrive nulle part sauf dans la mort.
.
- Cependant, lui dit l'autre, si toi, chef d'un empire,
tu ne te préoccupes point en premier du bonheur des hommes...
- Je ne me préoccupe point, répondit mon père,
de courir après le vent pour en faire des provisions,
car, si je le tiens immobile, le vent n'est plus...
.
Ainsi n'écoute jamais ceux qui te veulent servir
 en te conseillant de renoncer à l'une de tes aspirations.
Tu la connais, ta vocation, à ce qu'elle pèse en toi.
Et si tu la trahis, c'est toi que tu défigures,
 mais sache que ta vérité  se fera lentement
car elle est naissance d'arbre
et non trouvaille d'une formule,
car c'est le temps d'abord qui joue un rôle,
car il s'agit pour toi de devenir autre
et de gravir une montagne difficile.
.
Si quelque chose s'oppose à toi et te déchire, laisse croître,
c'est que tu prends racine et que tu mues.
.
C'est pourquoi je dis qu'importe d'abord,
dans la construction de l'homme,
non de l'instruire,
ce qui est vain s'il n'est plus qu'un livre qui marche,
mais de l'élever et de le conduire aux étages
où ne sont plus les choses mais les visages
nés du "noeud divin" qui noue les choses.
Car il n'est rien à espérer des choses
si elles ne retentissent les unes sur les autres,
ce qui est seule musique pour le coeur.
.
Celui-là qui lit une lettre d'amour s'estime comblé
quels que soient l'encre et le papier.
Il ne cherchait l'amour
ni dans le papier ni dans l'encre.
.
Si tu veux comprendre le mot  bonheur,
 il faut l’entendre comme récompense
 et non comme but.
.
. ...vous êtes un "noeud de relations" et rien d'autre
et s'il n'est point de relation,
 vous ne trouverez en vous-même qu'un carrefour mort.
.
Rien n'a de sens si je n'y ai mêlé mon corps et mon esprit,
il n'est point d'aventure si je ne m'y engage.
.
Telle fleur est d’abord un refus de toutes les autres fleurs.
 Et cependant, à cette condition seulement elle est belle.
.
Je ne te dirai point les raisons que tu as de m’aimer. 
Car tu n’en as point. La raison d’aimer, c’est l’amour. 
.
La vie n’est ni simple, ni complexe, ni claire ni obscure,
ni contradictoire, ni cohérente, elle est.
.
Saint-Exupéry
.

 

mercredi 2 juillet 2014

43. BERTRAND VERGELY : Retour à l'émerveillement



"Notre devoir le plus impérieux est peut-être
 de ne jamais lâcher le fil de la Merveille.
 Grâce à lui je sortirai du plus sombre des labyrinthes".

Partant de cette magnifique formule de Christiane Singer,
qui fut son amie, 
Bertrand Vergely s'attaque à un sujet non seulement essentiel
 mais indispensable à l'équilibre de chaque être humain : 
l'acte de savoir s'émerveiller,
envers et contre tout.

Cet essai écrit d'une plume vive est un vibrant plaidoyer
 pour retrouver l'amour de la vie et la noblesse de l'âme. 
Qui s'émerveille n'est pas indifférent 
mais est ouvert au monde, à l'humanité, à l'existence. 
Il rend possible un lien à ceux-ci. 
On comprend donc que la faculté de s'émerveiller
 soit jugée comme la chose la plus précieuse qui soit. 
On peut être pauvre mais si l'on sait s'émerveiller, on est riche.

Bertrand Vergely enracine sa grande culture et son propos 
dans une véritable philosophie du vécu, 
et montre comment il est possible de renouveler sans cesse
 ses capacités d’émerveillement devant l'existence.
.
Texte trouvé ici
.


43. CITATIONS CHOISIES

On s’imagine Dieu comme un vieillard omnipotent
et quelque peu autoritaire trônant dans le Ciel. 
C’est l’inverse qui est vrai, 
comme le rappellent les Pères grecs. 
Dieu est celui qui se retire, léger comme la brise 
qui manifeste à Elie ce qu’est Dieu.

 Il n’est pas celui qui 
écrase tout de sa puissance. 
Au contraire, il veut la liberté de ce qui est. 
Cette liberté s’accomplit dans le lien 
unissant transcendance et incarnation.
 Notre expérience, en l’occurrence. 

Entreprenons de vivre
ce que nous sommes intimement,
efforçons-nous de vivre et de sentir 
le simple fait de vivre.
En rentrant dans nos sensations d’exister, 
nous allons rentrer dans notre chair. 
En rentrant dans notre chair, 
nous allons sentir résonner l’ailleurs. 
Nous allons découvrir combien la vie va loin. 
Tout va se mettre à résonner.

Notre incarnation va dévoiler la transcendance. 
Faisons l’expérience de vivre cette transcendance, 
pensons à cet ailleurs, vivons-le,
 nous allons sentir combien notre chair est vivante. 
Si la chair fait vibrer la transcendance, 
la transcendance fait vibrer la chair.

Expérience importante, parce que révélatrice. 
Dieu n’est pas plus haut que nous mais plus bas que nous,
 il n’est pas au-dessus mais au-dessous, 
il n’est pas à l’extérieur de l’Homme
mais au milieu de lui,  en son cœur.

 Cela éclaire bien des choses, 
la notion de cœur, notamment. 
Notion mal comprise parce que souvent 
confondue avec l’émotion, la sensibilité, l’affectivité, 
l’humanité, alors qu’elle va plus loin.

On est dans le cœur non pas quand on se laisse 
émouvoir par l’extérieur, 
mais quand on se laisse habiter 
par le plus profond de nous-mêmes. 
Il y a en nous un plus profond que nous-mêmes
qui est nous-mêmes.
 Ce plus profond s’exprime 
quand on passe d’une pensée à de la pensée. 
Alors l’esprit s’exprime.

C’est ce que toute création, toute inspiration
font vivre : 
Mozart est la musique et non de la musique ; 
Baudelaire est la poésie et non de la poésie ; 
Vermeer est la peinture et non de la peinture ; 
le Christ est la Parole et non une parole.

Toute pensée qui fait vivre parle du cœur. 
Toute réalité qui fait penser aussi. 
Tout ce qui unit pensée et réalité, Ciel et Terre,
 vient du cœur.

D’où l’originalité du christianisme. 
Quand Dieu se retire, quand il se fait kénose, 
c’est pour que le cœur vive. 
Il se met au-dessous et non au-dessus 
afin que le monde et l’Homme soient habités. 

« On connaît Dieu de ne pas le connaître »,
 écrit Denys l’Aréopagite dans sa Théologie négative. 
Propos désespérant en apparence, 
profondément vivant en réalité. 
Dieu est tellement vivant qu’on n’en finit pas de le connaître. 
Mieux encore, on ne connaît pas Dieu. 
En revanche, on est connu par lui. 
Une vie parle en nous. 
Laissons-la parler, nous devenons parlants. 
Tout devient parlant.

Nous savons alors qui nous sommes.
Nous nous connaissons parce que nous avons libéré en nous
 le principe qui nous connaît. 
C’est ce que veut dire Denys l’Aréopagite. 
On connait Dieu quand on est habité par lui. 
On est habité par lui quand tout devient parlant.
On se rend compte alors 
que l’on est centre et circonférence à la fois. 
Le parlant qui se trouve en nous enveloppe tout.
.
Bertrand Vergely
.

jeudi 8 mai 2014

42. CHRISTIANE SINGER : Du bon usage des crises


"L'insignifiance et la futilité qui règnent en maîtres
barrent l'accès au réel et à la profondeur : 
Aussi ai-je gagné la certitude que les catastrophes ne sont là
que pour nous éviter le pire.
Et y a-t-il pire que d'avoir traversé la vie
sans houle et sans naufrage,
d'être resté à la surface des choses,
d'avoir dansé toute une vie au bal des ombres ?"
.
Christiane Singer
.

Cet ouvrage regroupe six conférences
 dont les thèmes sont :

- Le futur de l'homme,
un nouvel humanisme ?
- Du bon usage des crises
- Entrer dans la ferveur
- Le sacré dans l'amour
- A la source de la parole
- Le silence de lumière.

Pour Christiane Singer, le grand défi d'aujourd'hui
 n'est ni économique ni politique, encore moins scientifique :
c'est un défi d'ordre psychique et mystique.

Les crises, personnelles ou collectives,
ne sont pas purement "négatives" :
elles sont des révélateurs qui nous montrent
les changements à effectuer,
et sans doute des "passages obligés"
pour aller vers le meilleur.
A nous de trouver comment en faire "bon usage" !
.




42. CITATIONS CHOISIES


 
Nous connaissons dans notre occident deux voies
quand nous sommes dans un état 
d'étouffement, d'étranglement :

l'une, c'est le défoulement, c'est crier,
 c'est exprimer ce qui était alors rentré.
 Il y a de nombreuses thérapies sur ce modèle
 et c'est probablement quelque chose de très précieux
 pour faire déborder le trop-plein.
Mais, au fond, toute l'industrie cinématographique
 est fondée sur ce défoulement, cette espèce d'éclatement
 de toute l'horreur, de tout le désespoir rentré,
 qui, en fait, le prolonge et le multiplie à l'infini.

 L'autre réponse , c'est le refoulement :
avaler des couleuvres, et devenir lentement ce nid de serpents
 que nous sommes si souvent, ces nids de serpents sur deux pattes.

Et le troisième modèle qui nous vient de l'Orient et qu'incarnait Dürckheim :
s'asseoir au milieu du désastre, et devenir témoin,
 réveiller en soi cet allié qui n'est autre
que le noyau divin en nous.

J'ai rencontré, voilà quatre jours,
 en faisant une conférence à Vienne, une femme ;
 et c'est une belle histoire qu'elle m'a racontée
 qui exprime cela à la perfection.
Elle me disait, à la perte de son unique enfant, 
avoir été pendant des mois et des mois ravagée de larmes et de désespoir...

Et un jour, devant un miroir elle a regardé ce visage brûlé de larmes
 et elle a dit :
 "Voilà le visage ravagé d'une femme qui a perdu son enfant unique.", 
et à cet instant, dans cette fissure,
cette seconde de non-identification, 
où un être sort d'un millimètre de son désastre et le regarde,
 s'est engouffrée la grâce.
En un instant, dans une joie indescriptible, 
elle a su : "Mais nous ne sommes pas séparés."

Et avec cette certitude, le déferlement d'une joie indescriptible
 qu'exprimait encore son visage.
 C'était une femme rayonnante  de cette plénitude et de cette présence
 qu'engendre la traversée du désastre.
 Il existe paraît-il, dans un maëlstrom,
un point où rien ne bouge. 
Se tenir là !

Ou encore, pour prendre une autre image : 
dans la roue d'un chariot emballé,
il y a un point du moyeu qui ne bouge pas. 
Ce point, trouver ce point.

Et si, un seul instant, j'ai trouvé ce point, ma vie bascule
 parce que la perspective est subitement celle de Job,
 cette perspective agrandie de la grande vie derrière la petite vie,
 l'écroulement des paravents, l'écroulement des représentations,
un instant, voir cette perspective agrandie.
.
Christiane Singer
.
 
 
 

mardi 29 avril 2014

41. LUC BIGE : L'homme réunifié

.

Voici un livre assez peu connu
et pourtant essentiel,
du moins à mes yeux...
.
Résumé :

"Science et société sont-elles victimes du « cerveau gauche » ?
 C’est à dire d’une pensée unique qui analyse, quantifie et, finalement,
 dépouille le réel de sa dimension poétique ?

La méthode scientifique a donné ses lettres de noblesse
 à une compréhension du monde par l’objet, la mesure et la quantité.
 Cette pensée unique, en privilégiant l’espace et  les particules,
 tend à atomiser notre lecture du monde.

 Le temps et le sens, qui dépendent
des perceptions de l’hémisphère droit,
 sont négligés.
Mais classer -cette vieille habitude occidentale-
 n'est pas comprendre.

En partant de l'analyse de cette situation,
l'auteur propose une méthode pour revaloriser
le rôle du cortical droit.

Celui-ci, en générant une pensée synthétique et signifiante,
peut en effet apporter à notre conception de la science
comme à notre appréhension de la société,
 l'harmonie qui leur manque."
.
Emission radio avec Luc Bigé :


L'émission est longue...
Si vous n'avez que peu de temps,
je vous conseille le passage
qui va de la 38ème minute (environ)
à la 42ème...il est particulièrement intéressant...
.

41. CITATIONS CHOISIES


Par une curieuse ironie de l'histoire des sciences,
la modernité se réfère volontiers à Descartes
comme modèle de rigueur méthodologique.
Or, ce dernier qualifiait lui-même son oeuvre de "fable"
 et semblait surtout préoccupé à développer le pouvoir
de l'intuition  et des idées claires.

C'est à Roger bacon, entre autres, que revient le mérite
d'avoir insisté sur la nécessité de l'expérience.
(...)
L'expérience "éprouve" le vrai, affirmait Bacon,
donc elle le prouve. Elle est certificatrice.
Selon l'optique baconienne,
la science actuelle ne serait qu'une "demi-science"
car elle méconnaît la face intérieure de l'expérience.

L'âme du monde fut expurgée du rationnel scientifique
et par là-même de toute possibilité de connaissance;
N'est-il pas temps de réaliser une nouvelle alliance avec le réel ?
Un réel conçu dans sa totalité,
car l'homme observe le monde tout autant qu'il en est le fruit.

En dernière analyse, ses représentations scientifiques, culturelles, sociales,
ne sont pas "ses" constructions, mais celles de la nature tout entière.
Or, si l'organisme humain est pourvu
de deux hémisphères cérébraux symétriques du point de vue organique,
mais non du point de vue fonctionnel,
est-il absurde de supposer que le réel possède bien deux faces
ou, plus exactement, une seule face à lire
selon deux modes distincts et complémentaires ?
(...)
N'est-il pas temps de développer une autre "méthode"
 pour clarifier nos idées face à l'expérience intérieure,
de développer des critères de connaissance compatibles
avec le fonctionnement naturel du cerveau droit ?
.
Luc Bigé
"L'homme réunifié"
.


mercredi 5 mars 2014

40. T.C. Mc LUHAN Pieds nus sur la terre sacrée


Cet ouvrage n'est pas un livre de plus
sur les Indiens d'Amérique du Nord
 mais le judicieux rassemblement
 par Teresa Carolyn McLuhan
de nombreux textes de leur patrimoine oral et écrit.

Une centaine de textes authentiques et de témoignages
qui nous font enfin entendre directement
leur voix et leur vision des choses.

Dans ces écrits, classés par ordre chronologique,
 le ton est tour à tour celui de la sagesse, du lyrisme,
de l'éloquence ou de l'émotion profonde.

Au final, l'ensemble dresse un magnifique portrait
de la nature, de la destinée indienne...
et surtout le portrait d'une civilisation
d'une grande richesse et d'une grande profondeur
 reposant sur l'harmonie entre l'homme et la "Terre sacrée".

  Les textes sont accompagnés de superbes photographies
 en noir et blanc d'Edward S.Curtis (1868 - 1952)
 qui visita pendant trente ans
 plus de quatre-vingt tribus dans tous les Etats-Unis.
.
Pour moi, sans nul doute,
un des meilleurs livres sur le sujet...
(Rappel : j'aime beaucoup aussi
celui de Jean-Paul Bourre)
.

La Licorne