mardi 29 septembre 2020

89 - JEAN-CHRISTOPHE RUFIN : Globalia

 
Pour la deuxième fois,
et pour des raisons d'"actualité", 
je me permets de vous proposer à nouveau
 
 
S'il fallait le résumer en une phrase, 
 je dirais qu'il décrit, de façon romancée,
ce que peut devenir une société,
quand on pousse le curseur "sécurité" 
au maximum...

 
 


 
L'univers de Jean-Christophe Rufin pourrait être
celui d'un Nouveau Monde. 
Une démocratie compartimentée, 
régie par un calendrier où chaque jour a sa valeur, 
habillée de bulles de verre, 
assurant une température agréable et idéale toute l'année ;
 des indicateurs au service d'une protection sociale 
où dominent psychologues et officiers ; 
la volonté de faire perdurer les existences ;
 une prospérité ad vitam aeternam pour tous 
et tout le monde au pas. 
 
En somme, en apparence ça pourrait aller plus mal ! 
Seulement voilà, ce monde nouveau, 
calibré, mesuré, étudié, encadré est bien ennuyeux. 
On y bannit le passé, on y surveille la pensée, 
on contrôle les sorties du territoire, 
on montre du doigt les réfractaires. 
Tel est le prix et le revers de l'uniformisation. 
 
Un prix difficilement supportable pour Baïkal Smith 
qui tenterait bien l'aventure ailleurs, 
avec ses risques et périls. 
 
Globalia vaut donc bien Big Brother 
et 2004 revêt des allures de 1984.
 Sur les traces d'Orwell, mais pleinement inscrit dans son temps, 
Jean-Christophe Rufin épingle les travers de nos modernités, 
en proie aux totalitarismes. 
(...)
 




89 - CITATIONS CHOISIES

 
 
 Le problème, je vous l’ai dit, 
c’est que les gens ont besoin de la peur. 
Pas vous, peut-être. Vous êtes une exception. 
Mais les autres, tous les autres : 
pourquoi croyez-vous qu’ils allument leurs écrans chaque soir ?
Pour savoir à quoi ils ont échappé. 
(La peur) est une denrée vitale. 
Dans une société de liberté, c'est la seule chose 
qui fait tenir les gens ensemble. 
Sans menace, sans ennemi, sans peur, pourquoi obéir, 
pourquoi travailler, pourquoi accepter l'ordre des choses ? 
Croyez-moi, un bon ennemi est la clef d'une société équilibrée. 
.
 

Il avait une envie profonde de s'autoriser la sincérité. 
Un instant, il se sentit vieux, misérable et sale, 
impuissant surtout, terriblement impuissant.
— Le Président, soupira-t-il… 
Croyez-vous qu'il ait la moindre autorité sur ces choses ?
(…)
— Vous savez ce que c'est notre métier ? commença-t-il. 
Du théâtre, voilà tout. 
Nous représentons, cela dit bien ce que cela veut dire. 
.
 
 Toutefois, on ne saurait trop insister sur l'importance des mentalités. 
La cohésion en Globalia ne peut être assurée
 qu'en sensibilisant sans relâche les populations 
à un certain nombre de dangers: 
le terrorisme, bien sûr, 
les risques écologiques et la paupérisation. 
Le ciment social doit être la peur de ces trois périls 
et l'idée que seule la démocratie globalienne 
peut leur apporter un remède. 
.
 
Il ne s'agissait bien sûr pas de les surveiller 
mais seulement d'assurer leur sécurité.
.
 
Brusquement Baïkal se redressa 
et regarda autour de lui avec les yeux 
de celui qui s'éveille d'un long rêve.
(...)
Le tragique de la vie humaine lui apparaissait dans toute sa cruauté : 
il était impossible de vivre en Globalia sans perdre son âme 
mais au prix de cette renonciation, 
on obtenait au moins la consolation des objets, 
le confort, les douceurs de la prospérité. 
 .
 
Désormais, il voyait en Globalia un ennemi, 
une construction humaine retournée contre les hommes, 
un édifice fondé sur la liberté mais qui écrasait toute liberté, 
un monstre politique à détruire.  
.

 
.
 
 
 

vendredi 17 avril 2020

88 - DENIS MARQUET : Colère


En ces temps troublés, 
de pandémie et de bouleversements en tous genres,
je crois qu'il peut être utile 
de (re)lire ce livre de Denis Marquet,
visionnaire et précurseur de bien des façons.

Je le ressors donc des "oubliettes" de ce blog
et je vous le poste une deuxième fois...
non pas pour vous faire peur, 
mais parce que le livre ouvre aussi,
et c'est son principal intérêt, 
de fabuleuses pistes de réflexion...



Résumé  du livre 
(publié en 2003) :
 
Des virus nouveaux frappent la population.
Les animaux deviennent  agressifs.
Séismes, ouragans, raz de marée se multiplient.
Tout se passe comme si la nature,
brutalement, s'était mise en colère.
Hypothèse absurde ?
Pas aux yeux de Mary, l'anthropologue, 
depuis longtemps initiée
aux secrets de la spiritualité ancienne.

Scientifiques et gouvernants s'affolent.
La tragédie va crescendo.
L'espèce humaine va-t-elle disparaître ?
Denis Marquet signe avec ce premier roman
un thriller-catastrophe d'une ampleur inouïe,
qui sonne comme un ultime avertissement
donné à l'homme,
devenu le bourreau de sa planète.
.

"Le scénariste déchaîné n'oublie jamais qu'il est aussi philosophe. 
Son apocalypse n'en est que plus crédible".
Didier Sénécal "Lire"

"Colère" se présente avant tout comme un formidable thriller.
On le dévore avec un plaisir pimenté d'angoisse.
Roman-catastrophe détaillant un naufrage titanesque, 
celui de ce vaisseau qu'on disait insubmersible : la Terre.

Bernard Le Saux "Le Figaro Magazine"
.



Interview de l'auteur
(sur un autre sujet)
.



88- CITATIONS CHOISIES



C'est fou comme le monde peut changer en quelques jours.
J'habite Winsburg depuis quatre ans.
C'est une petite ville adorable, trente kilomètres au sud de Phoenix.
Les gens se parlent, aucun problème de communautés. 
Il y fait bon vivre.
Je devrais dire : il y faisait bon...
Je suis sorti en début d'après-midi faire un tour.
J'avais passé plus de trente heures devant mon ordinateur...(...)
Trente heures sans dormir ni manger.
J'avais besoin d'un bol d'air, de voir du monde, 
de parler à quelqu'un avant de rentrer m'écrouler sur un divan.
 J'ai pris l'air mais je n'ai vu personne.

Il m'était arrivé, certains jours de grande chaleur,
de me balader dans Winsburg déserte. 
Tout le monde abrité dans l'ombre des maisons, volets fermés...
mais on sentait de la vie à l'intérieur, un désir de vivre et d'ouvrir
et, à la nuit tombante, on se retrouvait à respirer la fraîcheur du soir,
à partager une bière au Barney's.
Alors que là...une ville désertée.
Morte, totalement.
Une ville sans désir.
Une ville de peur.
Les gens sont terrés.
(...)

Un peu partout on a peur de manquer,
alors on fait des stocks.
Ce qui engendre des pénuries.
A Winsburg, on n'a pas encore vu
de queues devant les magasins,
mais dans certaines grandes villes...
(...)
On ne se touche plus et on ne se parle plus.
Le corps de l'autre, parce qu'il est en vie, est une menace.
Ceux qui le peuvent fuient les grandes villes;
les autres y vivent terrés, fuyant les contacts.
Les grandes entreprises autorisent les cols blancs 
à travailler depuis leur domicile.
Les bureaux sont déserts.

Wall Street s'affole, 
la plupart des cours sont en chute libre.
(...)
.
Denis Marquet
"Colère"
(2003)
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