dimanche 18 juillet 2021

91 . ETTY HILLESUM : Une vie bouleversée

 

Encore un livre que je viens vous re-conseiller...

parce qu'il résonne assez fortement avec l'actualité...

 


 
 
 Je me sens responsable du sentiment grand et beau
que la vie m'inspire et j'ai le devoir d'essayer
de le transporter intact à travers cette époque
pour atteindre des jours meilleurs. ...

 
On peut nous rendre la vie assez dure,
nous dépouiller de certains biens matériels,
nous enlever une certaine liberté de mouvement tout extérieure,
mais c’est nous-mêmes qui nous dépouillons de nos meilleures forces
par une attitude psychologique désastreuse.

En nous sentant persécutés, humiliés, opprimés.
En éprouvant de la haine.
En crânant pour cacher notre peur.

On a bien le droit d’être triste et abattu, de temps en temps,
par ce qu’on nous fait subir : c’est humain et compréhensible.

Et pourtant la vraie spoliation 
c’est nous-mêmes qui nous l’infligeons.

 
Etty Hillesum
"Une vie bouleversée"

 .

 

   
 
 
 
 

91. CITATIONS CHOISIES

 

Je ne vois pas d’autre issue : 
que chacun de nous fasse un retour sur lui-même
 et extirpe et anéantisse en lui
 tout ce qu’il croit devoir anéantir chez les autres. 
Et soyons bien convaincus que le moindre atome de haine
 que nous ajoutons à ce monde
 nous le rend plus inhospitalier qu’il n’est déjà. 
.

Où que je sois, j'essaierai d'irradier un peu d'amour,
de ce véritable amour du prochain qui est en moi.
...
.

L'éventualité de la mort est intégrée à ma vie ;
regarder la mort en face et l'accepter
 comme partie intégrante de la vie, 
c'est élargir cette vie. 
 
A l'inverse, sacrifier dès maintenant à la mort 
un morceau de cette vie, 
par peur de la mort et refus de l'accepter, 
c'est le meilleur moyen de ne garder 
qu'un pauvre petit bout de vie mutilée, 
méritant à peine le nom de vie.
 
Cela semble un paradoxe : 
en excluant la mort de sa vie, 
on se prive d'une vie complète, 
et en l'accueillant on élargit et on enrichit sa vie.
...
.
 
Ce matin en longeant à bicyclette le Stadionkade,
je m’enchantais du vaste horizon
que l’on découvre aux lisières de la ville
et je respirais l’air qu’on ne m’a pas encore rationné.
Partout des pancartes interdisaient aux Juifs
les petits chemins menant dans la nature.
Mais au-dessus de ce bout de route qui nous reste ouvert,
le ciel s’étale tout entier.
On ne peut rien nous faire, vraiment rien.

On peut nous rendre la vie assez dure,
nous dépouiller de certains biens matériels,
nous enlever une certaine liberté de mouvement tout extérieure,
mais c’est nous-mêmes qui nous dépouillons de nos meilleures forces
par une attitude psychologique désastreuse.


En nous sentant persécutés, humiliés, opprimés.
En éprouvant de la haine.
En crânant pour cacher notre peur.
On a bien le droit d’être triste et abattu, de temps en temps,
par ce qu’on nous fait subir : c’est humain et compréhensible.
Et pourtant la vraie spoliation c’est nous-mêmes qui nous l’infligeons.

Je trouve la vie belle et je me sens libre.
En moi des cieux se déploient aussi vastes que le firmament.
Je crois en Dieu et je crois en l’homme.

J’ose le dire sans fausse honte.
 La vie est difficile mais ce n’est pas grave.
Il faut commencer par « prendre au sérieux son propre sérieux »,
le reste vient de soi-même.


Travailler à soi-même,
ce n’est pas faire preuve d’individualisme morbide.
Si la paix s’installe un jour, elle ne pourra être authentique
que si chaque individu fait d’abord la paix en soi-même,
extirpe tout sentiment de haine
pour quelque race ou quelque peuple que ce soit,
ou bien domine cette haine et la change en autre chose,
peut-être même à la longue en amour – ou est-ce trop demander ?
C’est pourtant la seule solution…

Ce petit morceau d’éternité qu’on porte en soi,
on peut l’épuiser en un mot aussi bien qu’en dix gros traités.
Je suis une femme heureuse et je chante les louanges de cette vie,
 oui vous avez bien lu, en l’an de grâce 1942,
en la énième année de guerre." 
...
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 Etty Hillesum
"Une vie bouleversée"
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