vendredi 17 avril 2020

88- CITATIONS CHOISIES



C'est fou comme le monde peut changer en quelques jours.
J'habite Winsburg depuis quatre ans.
C'est une petite ville adorable, trente kilomètres au sud de Phoenix.
Les gens se parlent, aucun problème de communautés. 
Il y fait bon vivre.
Je devrais dire : il y faisait bon...
Je suis sorti en début d'après-midi faire un tour.
J'avais passé plus de trente heures devant mon ordinateur...(...)
Trente heures sans dormir ni manger.
J'avais besoin d'un bol d'air, de voir du monde, 
de parler à quelqu'un avant de rentrer m'écrouler sur un divan.
 J'ai pris l'air mais je n'ai vu personne.

Il m'était arrivé, certains jours de grande chaleur,
de me balader dans Winsburg déserte. 
Tout le monde abrité dans l'ombre des maisons, volets fermés...
mais on sentait de la vie à l'intérieur, un désir de vivre et d'ouvrir
et, à la nuit tombante, on se retrouvait à respirer la fraîcheur du soir,
à partager une bière au Barney's.
Alors que là...une ville désertée.
Morte, totalement.
Une ville sans désir.
Une ville de peur.
Les gens sont terrés.
(...)

Un peu partout on a peur de manquer,
alors on fait des stocks.
Ce qui engendre des pénuries.
A Winsburg, on n'a pas encore vu
de queues devant les magasins,
mais dans certaines grandes villes...
(...)
On ne se touche plus et on ne se parle plus.
Le corps de l'autre, parce qu'il est en vie, est une menace.
Ceux qui le peuvent fuient les grandes villes;
les autres y vivent terrés, fuyant les contacts.
Les grandes entreprises autorisent les cols blancs 
à travailler depuis leur domicile.
Les bureaux sont déserts.

Wall Street s'affole, 
la plupart des cours sont en chute libre.
(...)
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Denis Marquet
"Colère"
(2003)
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