Le chemin
Une dernière remarque.
Nous savons qu'il n'y a rien d'autre que du présent,
et qu'il n'y aura jamais rien d'autre.
Par conséquent la véritable valeur d'un projet n'est pas
dans son accomplissement comme résultat,
mais dans son accomplissement comme processus,
autrement dit dans le chemin qu'il oblige à ouvrir et à parcourir.
Car nous sommes toujours en chemin ;
il n'y a pas de point final, seulement des haltes temporaires
pour un repos qui n'est que préparation à un nouveau mouvement.
Et ce qui vaut pour les individus vaut aussi pour la société :
seul compte le chemin.
La tâche d'ouvrir ce chemin est ô combien exaltante.
Mais il faut avoir bien conscience qu'elle recèle d'incroyables difficultés,
car il s'agit d'avancer sur le fil d'un rasoir entre deux abîmes.
D'un côté celui où nous précipiterait l'inaction,
l'abîme de la désagrégation, qu'il ne faut pas forcément concevoir
comme une apocalypse (nucléaire, biologique, climatique, ou autre).
Car entre d'une part la grande inertie du système économico-social actuel,
et d'autre part la très grande faculté d'adaptation de l'homme,
les choses se feront progressivement, si progressivement peut-être
que les ruptures ne seront guère perceptibles.
Le climat évoluera lentement, l'environnement se dégradera de plus en plus,
de nouvelles maladies se propageront, les économies se désorganiseront, etc,
mais à tout cela l'homme s'adaptera au jour le jour.
Seulement, dans ce contexte de déclin de la civilisation,
cette adaptation risque fort d'être une régression,
qui verrait la résurgence de tant de comportements néfastes.
Précisons encore que si chacun se contente de cultiver dans son coin son jardin,
de se faire un joli sam-suffit, cela ne résoudra rien car tout est lié.
Quant à l'autre côté du fil du rasoir, c'est un abîme où nous précipiterait
un excès de zèle et de prosélytisme.
Nous le savons bien, l'enfer est pavé de bonnes intentions.
Prudence donc avant de généraliser à l'humanité
des modèles qui n'ont pas été éprouvés.
Et n'en déplaise à monsieur Rousseau et à quelques uns de ses suivants
qui ont fait bien du mal à leurs semblables,
il est tout à fait stupide de vouloir forcer les hommes à être libre et heureux !
D'abord on ne sait même pas ce que ces mots veulent dire,
ensuite toutes les expériences faites en ce sens montrent que ça ne marche pas,
et enfin cela attise les rancoeurs, et pollue un astral qui l'est déjà passablement.
Entre ces deux abîmes, tout est possible
parce que notre pensée est créatrice de la réalité.
Vaste programme donc, que nous avons à peine esquissé
dans cet avant-dernier chapitre qui se veut plutôt une porte ouverte.
Car tout est à repenser et à reconstruire : la physique, la biologie,
la psychologie, l'économie, l'éducation, la médecine,
le travail, le couple, etc.
Ce livre n'est qu'une base de travail.
L'homme et le monde sont évidemment bien plus
que les mots inscrits sur ces pages.
Nous avons seulement trouvé trois outils.
Notre espoir est qu'ils ne restent pas
sagement rangés sous la couverture de ce livre
quand vous l'aurez refermé…
.
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