Le problème, je vous l’ai dit,
c’est que les gens ont besoin de la peur.
Pas vous, peut-être. Vous êtes une exception.
Mais les autres, tous les
autres :
pourquoi croyez-vous qu’ils allument leurs écrans chaque
soir ?
Pour
savoir à quoi ils ont échappé.
(La peur) est une denrée vitale.
Dans une
société de liberté, c'est la seule chose
qui fait tenir les gens
ensemble.
Sans menace, sans ennemi, sans peur, pourquoi obéir,
pourquoi
travailler, pourquoi accepter l'ordre des choses ?
Croyez-moi, un bon
ennemi est la clef d'une société équilibrée.
.
Il avait une envie profonde de s'autoriser la sincérité.
Un instant, il
se sentit vieux, misérable et sale,
impuissant surtout, terriblement
impuissant.
— Le Président, soupira-t-il…
Croyez-vous qu'il ait la moindre autorité sur ces choses ?
(…)
— Vous savez ce que c'est notre métier ? commença-t-il.
Du théâtre,
voilà tout.
Nous représentons, cela dit bien ce que cela veut dire.
.
Toutefois, on ne saurait trop insister sur l'importance des mentalités.
La cohésion en Globalia ne peut être assurée
qu'en sensibilisant sans
relâche les populations
à un certain nombre de dangers:
le terrorisme,
bien sûr,
les risques écologiques et la paupérisation.
Le ciment social
doit être la peur de ces trois périls
et l'idée que seule la démocratie
globalienne
peut leur apporter un remède.
.
Il ne s'agissait bien sûr pas de les surveiller
mais seulement d'assurer leur sécurité.
.
Brusquement Baïkal se redressa
et regarda autour de lui avec les yeux
de celui qui s'éveille d'un long rêve.
(...)
Le tragique de la vie humaine lui apparaissait
dans toute sa cruauté :
il était impossible de vivre en Globalia sans
perdre son âme
mais au prix de cette renonciation,
on obtenait au moins
la consolation des objets,
le confort, les douceurs de la prospérité.
.
Désormais, il voyait en Globalia un ennemi,
une construction humaine
retournée contre les hommes,
un édifice fondé sur la liberté mais qui
écrasait toute liberté,
un monstre politique à détruire.
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