samedi 8 juin 2024

94 - ARTHUR KOESTLER - Le zéro et l'infini

 

 
Écrit de 1938 à 1940, paru en France dès 1945, 
Le Zéro et l'Infini est un des grands "classiques" du XXè siècle, 
ainsi qu'un best-seller mondial. 
 
Inspiré des grands procès de Moscou, 
le roman imagine l'itinéraire d'un responsable communiste, Roubachof, 
jeté en prison et jugé après avoir été lui-même un "épurateur."
 
A travers ce thème, 
l'écrivain nous convie à un véritable procès des dictatures
 et du système totalitaire pour lesquels l'homme n'est rien, 
un zéro en regard de la collectivité, 
alors que l'humanisme voit en lui, au contraire, 
un infini.

Le Zéro et l'Infini est de ces œuvres 
dont le temps n'abolit pas la portée.

Moscou, 1937. 
Dans un régime communiste, l'individu est zéro, 
et le Parti, c'est l'infini. Roubachov le sait : 
apparatchik lui-même, il a épuré sans états d'âme. 
Le voilà happé à son tour par la machine à broyer, 
soumis à des interrogatoires 
et sommé de se prêter à la mise en scène macabre 
qui le fera avouer qu'il est un traître, 
un ennemi de la classe ouvrière…


 

 
 

94 - CITATIONS

 

Extrait :
 
Pendant quarante ans, il avait  vécu strictement 
selon les voeux de son ordre, le Parti.
Il s'en était tenu aux règles du calcul logique. 
Il avait brûlé dans sa conscience 
avec l'acide de la raison
les restes de la vieille morale illogique.
 
(...)
(Maintenant) quand il se demandait : 
"Pourquoi au juste meurs-tu ? 
il ne trouvait pas de réponse.
 
Il y avait une erreur dans le système : 
peut-être résidait-elle dans le précepte 
qu'il avait jusqu'ici tenu pour incontestable, 
au nom duquel il avait sacrifié autrui 
et se voyait lui-même sacrifié
le précepte selon lequel  
la fin justifie les moyens
 
C'était cette phrase qui avait tué
 la grande Fraternité de la Révolution 
et les avait tous jetés en pleine démence.
 
Qu'avait-il naguère écrit dans son journal ? 
"Nous avons jeté par-dessus bord toutes les conventions, 
notre seul principe directeur 
est celui de la conséquence logique; 
nous naviguons sans lest moral."
 
Peut-être le coeur du mal était-il là
Peut-être qu'il ne convenait pas à l'humanité 
de naviguer sans lest. 
Et peut-être que la raison livrée à elle-même 
était une boussole faussée, 
conduisant par de tortueux méandres, 
si bien que le but finissait par disparaître dans la brume.
.
 

Arthur Koestler