lundi 21 juillet 2014

45. ELIF SHAFAK : Soufi, mon amour



J'avais entendu parler de ce livre...à plusieurs reprises
mais j'ai longuement repoussé le moment de le lire.
Ne faites pas comme moi : précipitez-vous,
c'est vraiment une "perle" !
.
Deux récits en un,
 puisque l'on y suit deux histoires parallèles,
qui se répondent "en miroir" :
celle d'une rencontre contemporaine
(entre une femme de 40 ans et un auteur inconnu)
et celle, au 13ème siècle,
de Rûmi, le grand poète et mystique,
et de Shams de Tabriz, son "alter ego".
.
Je ne vous en dirai pas plus sur l'intrigue,
car ce serait sans doute un peu long,
mais ce que je peux vous dire,
c'est que c'est vraiment un livre qui vous "happe"
et vous tient en haleine...
tout en parlant merveilleusement bien
de la "magie" de l'amour,
et de la façon dont il "change" totalement la vie
de ceux qui osent s'ouvrir à lui.
.
En outre, les quarante "règles de sagesse"
qui ponctuent le livre
sont de petites "merveilles"
à méditer longuement...
.

.
Bref, une excellente lecture pour l'été,
qui comble à la fois le coeur...et l'esprit !
.

45. CITATIONS CHOISIES

Les quarante règles de l'amour (début) :

1- La manière dont tu vois Dieu est le reflet direct de celle dont tu te vois.
 Si Dieu fait venir surtout de la peur et des reproches à l'esprit,
 cela signifie qu'il y a trop de peur et de culpabilité en nous.
 Si nous voyons Dieu plein d'amour et de compassion,
 c'est ainsi que nous sommes.

2- La voie de la vérité est un travail de cœur, pas de la tête.
 Faites de votre cœur votre principal guide !
 Pas votre esprit.
 Affrontez, défiez et dépassez votre nafs avec votre cœur.
Connaitre votre ego vous conduira à la connaissance de Dieu.

3- Chaque lecteur comprend le Saint Coran à un niveau différent,
parallèle à la profondeur de sa compréhension.
Il y a quatre niveaux de discernement.
Le premier est la signification apparente,
et c'est celle dont la majorité des gens se contentent.
Ensuite, c'est le batin le niveau intérieur.
Le troisième niveau est l'intérieur de l'intérieur.
Le quatrième est si profond qu'on ne peut le mettre en mots.
Il est donc condamné à rester indescriptible.

4- Tu peux étudier Dieu à travers toute chose
et toute personne dans l'univers
parce que Dieu n'est pas confiné dans une mosquée,
une synagogue ou une église.
Mais si tu as encore besoin de savoir précisément où Il réside,
 il n'y a qu'une place ou Le chercher :
dans le cœur d'un amoureux sincère.

5- L'intellect relie les gens par des nœuds et ne risque rien,
mais l'amour dissout tous les enchevêtrements et risque tout.
 L'intellect est toujours précautionneux et conseille : 
" Méfie-toi de trop d'extase ! "
 Alors que l'amour dit : "Oh, peu importe ! Plonge!"

6- La plupart des problèmes du monde viennent
d'erreurs linguistiques et de simples incompréhensions.
Ne prenez jamais les mots dans leur sens premier.
 Quand vous entrez dans la zone de l'amour,
le langage tel que nous le connaissons devient obsolète. 
Ce qui ne peut être dit avec des mots
ne peut être compris qu'à travers le silence.

7- L'esseulement et la solitude sont deux choses différentes.
Quand on est esseulé, il est facile de croire qu'on est sur la bonne voie.
La solitude est meilleure pour nous,
car elle signifie être seul sans se sentir esseulé.
Mais en fin de compte, le mieux est de trouver une personne,
 la personne qui sera votre miroir.
N'oubliez pas que ce n'est que dans le cœur d'une autre personne
qu'on peut réellement se trouver et trouver la présence de Dieu en soi.

8- Quoi qu'il arrive dans la vie, si troublant que tout te semble,
n'entre pas dans les faubourgs du désespoir.
Même quand toutes les portes restent fermées, 
Dieu t'ouvrira une nouvelle voie.
Sois reconnaissant ! 
Il est facile d'être reconnaissant quand tout va bien.
Un Soufi est reconnaissant non pas pour ce qu'on lui a donné,
mais aussi pour ce qu'on lui a refusé.

9- La patience, ce n'est endurer passivement.
C'est voir assez loin pour avoir confiance
en l'aboutissement d'un processus.
L'impatience signifie une courte vue, 
qui ne permet pas d'envisager l'issue.
 Ceux qui aiment Dieu n'épuisent jamais leur patience,
 car ils savent qu'il faut du temps
 pour que le croissant de lune devienne une lune pleine.

10 - Est, Ouest, Sud, ou Nord, il n’y a pas de différence. 
Peu importe votre destination assurez-vous seulement
de faire de chaque voyage un voyage intérieur.
Si vous voyagez intérieurement,
vous parcourez le monde entier et au-delà.

11 – Les sages-femmes savent que lorsqu’il n’y a pas de douleur,
 la voie ne peut être ouverte pour le bébé
 et la mère ne peut donner naissance .
De même pour qu’un nouveau Soi naisse, les difficultés sont nécessaires.
Comme l’argile doit subir une chaleur intense pour durcir, 
l’amour ne peut être perfectionné que dans la douleur.

12 – La quête de l’Amour nous change. 
Tous ceux qui sont partis à la recherche de l’Amour ont mûri en chemin.
 Dès l’instant ou vous commencez à chercher l’Amour, 
vous commencez à changer intérieurement et extérieurement.

13 – Il y a plus de faux gourous et de faux maîtres
dans ce monde que d’étoiles dans l’univers. 
Ne confonds pas les gens animés par un désir de pouvoir
et égocentriste avec les vrais mentors. 
Un maitre spirituel authentique n’attirera pas l’attention sur lui ou sur elle,
 et n’attendra de toi ni obéissance absolue ni admiration inconditionnelle, 
mais t’aidera à apprécier et à admirer ton moi intérieur. 
Les vrais mentors sont aussi transparents que le verre. 
Ils laissent la Lumière de Dieu les traverser.

14 – Ne tente pas de résister aux changements qui s’imposent à toi. 
Au contraire, laisse la vie continuer en toi. 
Et ne t’inquiète pas que ta vie soit sens dessus dessous. 
Comment sais –tu que le sens auquel tu es habitué est meilleur que celui à venir ?

15 – Dieu s’occupe d’achever ton travail, intérieurement et extérieurement. 
Il est entièrement absorbé par toi.
 Chaque être humain est une œuvre en devenir qui, 
lentement mais inexorablement, 
progresse vers la perfection. 
Chacun de nous est une œuvre d’art incomplète 
qui s’efforce de s’achever.
.
Elif Shafak
.

mardi 8 juillet 2014

44. SAINT-EXUPERY : Citadelle


Citadelle
n’est pas une œuvre achevée.

 Dans la pensée de l’auteur,
 elle devait être élaguée et remaniée
 selon un plan rigoureux qui, dans l’état actuel, 
se reconstitue difficilement.

L’auteur a souvent repris les mêmes thèmes,
 soit pour les exprimer avec plus de précision, 
soit pour les éclairer d’une de ses images
 dont il a le secret.”,
 nous dit 
Simone de Saint Exupéry
.
Ce "remaniement" n'a pu se faire...
puisque Saint-Exupéry est mort prématurément,
et que l'oeuvre fut publiée à titre posthume...en 1948.

Alors oui, disons-le, 
le livre est long, dense et un peu indigeste...
par son côté répétitif et son style moralisateur,
 presque "biblique", bien éloigné
de la "légéreté enfantine" du Petit Prince.

Néanmoins et malgré tout cela,
c'est un livre qui m'a marquée...durablement
car on y trouve des pensées extrêmement profondes,
 et des "perles" de toute beauté...
qui récompensent largement 
le lecteur "courageux"...
qui ne se sera pas arrêté au premier chapitre !
Le livre est aride...
mais c'est un chef d'oeuvre...
.
Je vous conseille de le déguster
"à petites gorgées"... :-)
.


lundi 7 juillet 2014

44. CITATIONS CHOISIES


Si tu diffères de moi, mon frère, loin de me léser, tu m’enrichis.
.
L’ordre pour l’ordre est la caricature de la vie.
.
Pour créer l'ordre, je crée un visage à aimer.
.
La vertu, c’est la perfection dans l’état d’homme
et non l’absence de défauts.
.
Une civilisation repose sur ce qui est exigé des hommes,
 non sur ce qui leur est fourni.
.
Si tu veux qu'ils soient  frères, oblige-les de bâtir une tour.
Mais si tu veux qu'ils se haïssent, jette-leur du grain.
.
De l'homme, je ne demande pas quelle est la valeur de ses lois,
mais bien quel est son pouvoir créateur.
.
Si tu veux construire un bateau,
 ne rassemble pas tes hommes et femmes
pour leur donner des ordres,
pour expliquer chaque détail,
 pour leur dire où trouver chaque chose...
Si tu veux construire un bateau,
 fais naître dans le cœur de tes hommes et femmes
 le désir de la mer.
.
Appelles-tu liberté le droit d’errer dans le vide ?
 C’est plutôt un renoncement à notre vocation d’homme.

Seule la direction a un sens.
 Ce qui importe c’est d’aller vers et non d’être arrivé
 car jamais l’on n’arrive nulle part sauf dans la mort.
.
- Cependant, lui dit l'autre, si toi, chef d'un empire,
tu ne te préoccupes point en premier du bonheur des hommes...
- Je ne me préoccupe point, répondit mon père,
de courir après le vent pour en faire des provisions,
car, si je le tiens immobile, le vent n'est plus...
.
Ainsi n'écoute jamais ceux qui te veulent servir
 en te conseillant de renoncer à l'une de tes aspirations.
Tu la connais, ta vocation, à ce qu'elle pèse en toi.
Et si tu la trahis, c'est toi que tu défigures,
 mais sache que ta vérité  se fera lentement
car elle est naissance d'arbre
et non trouvaille d'une formule,
car c'est le temps d'abord qui joue un rôle,
car il s'agit pour toi de devenir autre
et de gravir une montagne difficile.
.
Si quelque chose s'oppose à toi et te déchire, laisse croître,
c'est que tu prends racine et que tu mues.
.
C'est pourquoi je dis qu'importe d'abord,
dans la construction de l'homme,
non de l'instruire,
ce qui est vain s'il n'est plus qu'un livre qui marche,
mais de l'élever et de le conduire aux étages
où ne sont plus les choses mais les visages
nés du "noeud divin" qui noue les choses.
Car il n'est rien à espérer des choses
si elles ne retentissent les unes sur les autres,
ce qui est seule musique pour le coeur.
.
Celui-là qui lit une lettre d'amour s'estime comblé
quels que soient l'encre et le papier.
Il ne cherchait l'amour
ni dans le papier ni dans l'encre.
.
Si tu veux comprendre le mot  bonheur,
 il faut l’entendre comme récompense
 et non comme but.
.
. ...vous êtes un "noeud de relations" et rien d'autre
et s'il n'est point de relation,
 vous ne trouverez en vous-même qu'un carrefour mort.
.
Rien n'a de sens si je n'y ai mêlé mon corps et mon esprit,
il n'est point d'aventure si je ne m'y engage.
.
Telle fleur est d’abord un refus de toutes les autres fleurs.
 Et cependant, à cette condition seulement elle est belle.
.
Je ne te dirai point les raisons que tu as de m’aimer. 
Car tu n’en as point. La raison d’aimer, c’est l’amour. 
.
La vie n’est ni simple, ni complexe, ni claire ni obscure,
ni contradictoire, ni cohérente, elle est.
.
Saint-Exupéry
.

 

mercredi 2 juillet 2014

43. BERTRAND VERGELY : Retour à l'émerveillement



"Notre devoir le plus impérieux est peut-être
 de ne jamais lâcher le fil de la Merveille.
 Grâce à lui je sortirai du plus sombre des labyrinthes".

Partant de cette magnifique formule de Christiane Singer,
qui fut son amie, 
Bertrand Vergely s'attaque à un sujet non seulement essentiel
 mais indispensable à l'équilibre de chaque être humain : 
l'acte de savoir s'émerveiller,
envers et contre tout.

Cet essai écrit d'une plume vive est un vibrant plaidoyer
 pour retrouver l'amour de la vie et la noblesse de l'âme. 
Qui s'émerveille n'est pas indifférent 
mais est ouvert au monde, à l'humanité, à l'existence. 
Il rend possible un lien à ceux-ci. 
On comprend donc que la faculté de s'émerveiller
 soit jugée comme la chose la plus précieuse qui soit. 
On peut être pauvre mais si l'on sait s'émerveiller, on est riche.

Bertrand Vergely enracine sa grande culture et son propos 
dans une véritable philosophie du vécu, 
et montre comment il est possible de renouveler sans cesse
 ses capacités d’émerveillement devant l'existence.
.
Texte trouvé ici
.


43. CITATIONS CHOISIES

On s’imagine Dieu comme un vieillard omnipotent
et quelque peu autoritaire trônant dans le Ciel. 
C’est l’inverse qui est vrai, 
comme le rappellent les Pères grecs. 
Dieu est celui qui se retire, léger comme la brise 
qui manifeste à Elie ce qu’est Dieu.

 Il n’est pas celui qui 
écrase tout de sa puissance. 
Au contraire, il veut la liberté de ce qui est. 
Cette liberté s’accomplit dans le lien 
unissant transcendance et incarnation.
 Notre expérience, en l’occurrence. 

Entreprenons de vivre
ce que nous sommes intimement,
efforçons-nous de vivre et de sentir 
le simple fait de vivre.
En rentrant dans nos sensations d’exister, 
nous allons rentrer dans notre chair. 
En rentrant dans notre chair, 
nous allons sentir résonner l’ailleurs. 
Nous allons découvrir combien la vie va loin. 
Tout va se mettre à résonner.

Notre incarnation va dévoiler la transcendance. 
Faisons l’expérience de vivre cette transcendance, 
pensons à cet ailleurs, vivons-le,
 nous allons sentir combien notre chair est vivante. 
Si la chair fait vibrer la transcendance, 
la transcendance fait vibrer la chair.

Expérience importante, parce que révélatrice. 
Dieu n’est pas plus haut que nous mais plus bas que nous,
 il n’est pas au-dessus mais au-dessous, 
il n’est pas à l’extérieur de l’Homme
mais au milieu de lui,  en son cœur.

 Cela éclaire bien des choses, 
la notion de cœur, notamment. 
Notion mal comprise parce que souvent 
confondue avec l’émotion, la sensibilité, l’affectivité, 
l’humanité, alors qu’elle va plus loin.

On est dans le cœur non pas quand on se laisse 
émouvoir par l’extérieur, 
mais quand on se laisse habiter 
par le plus profond de nous-mêmes. 
Il y a en nous un plus profond que nous-mêmes
qui est nous-mêmes.
 Ce plus profond s’exprime 
quand on passe d’une pensée à de la pensée. 
Alors l’esprit s’exprime.

C’est ce que toute création, toute inspiration
font vivre : 
Mozart est la musique et non de la musique ; 
Baudelaire est la poésie et non de la poésie ; 
Vermeer est la peinture et non de la peinture ; 
le Christ est la Parole et non une parole.

Toute pensée qui fait vivre parle du cœur. 
Toute réalité qui fait penser aussi. 
Tout ce qui unit pensée et réalité, Ciel et Terre,
 vient du cœur.

D’où l’originalité du christianisme. 
Quand Dieu se retire, quand il se fait kénose, 
c’est pour que le cœur vive. 
Il se met au-dessous et non au-dessus 
afin que le monde et l’Homme soient habités. 

« On connaît Dieu de ne pas le connaître »,
 écrit Denys l’Aréopagite dans sa Théologie négative. 
Propos désespérant en apparence, 
profondément vivant en réalité. 
Dieu est tellement vivant qu’on n’en finit pas de le connaître. 
Mieux encore, on ne connaît pas Dieu. 
En revanche, on est connu par lui. 
Une vie parle en nous. 
Laissons-la parler, nous devenons parlants. 
Tout devient parlant.

Nous savons alors qui nous sommes.
Nous nous connaissons parce que nous avons libéré en nous
 le principe qui nous connaît. 
C’est ce que veut dire Denys l’Aréopagite. 
On connait Dieu quand on est habité par lui. 
On est habité par lui quand tout devient parlant.
On se rend compte alors 
que l’on est centre et circonférence à la fois. 
Le parlant qui se trouve en nous enveloppe tout.
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Bertrand Vergely
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